S’exprimer c’est juste être soi

J’écris cet article pour les parents inquiets pour leurs enfants parce que la maîtresse aura dit qu’ils ne savaient pas s’exprimer correctement. Pour ces jeunes à qui on dit qu’ils font des fautes et que ce sont des abrutis. A ces enfants qui perdent la confiance en eux face à l’exigence de la langue française.

Les mots, les fautes, l’orthographe, les notes, les appréciations ne définissent pas qui tu es. Et définissent encore moins ton expression.

L’expression c’est juste être toi. C’est pas essayer de faire comme on te l’a appris. C’est faire à partir de ton ressenti. C’est quelque chose de tellement intérieur avant que ça ne sorte à l’extérieur.

L’expression peut prendre des formes bien différentes : la danse, la chanson, le rythme, les sons, l’écriture, la peinture, la sculpture. L’expression c’est la création brute qui vient du cœur.

Et personne ne devrait te dire que ce que tu fais n’est pas ce qui est attendu. En faisant ça on tue la créativité dans l’œuf.

Comme pour un cheval qui ne voudrait plus bouger parce que son cerveau ne lui permet plus, le protège de l’humain qui n’a pas fait attention à son envie de communiquer à trop de reprises. De la même façon un enfant arrêtera de s’exprimer si trop de pression est mise sur ses épaules.

Comment est ce qu’on peut encore penser qu’en corrigeant une façon de communiquer en modifiant le comportement on puisse arriver à permettre aux jeunes et aux enfants d’avoir confiance en eux, en leur ressenti et en ce qu’ils ont à dire.

Ca n’est pas possible. Si un enfant bouge beaucoup, c’est parce qu’il en a besoin. Plutôt que d’essayer de le faire asseoir ne peut-on pas essayer de comprendre ce qu’il a à nous dire ? Même si cela passe par un comportement qui nous dérange ?

Tout comme un cheval qui essaie de morde constamment. Pense-t-on vraiment qu’en lui mettant des claques sur le nez cela va cesser ? Ne peut-on pas essayer de trouver pourquoi il se comporte comme ça ?

Ca demande de réfléchir avant d’agir. Le soucis c’est que l’humain veut souvent prendre le chemin le plus facile et le plus court pour faire arrêter un comportement qui le dérange. Seulement parfois prendre ce temps de pause avant d’agir éviterait bien des problèmes.

Quand j’étais plus jeune je faisais partie des filles qui critiquaient ceux qui ne savaient pas écrire sans faute ou ceux qui ne maniaient pas bien la langue française. Quand Jul (rappeur français pour ceux qui le connaitraient pas) a commencé à cartonner j’ai fait clairement partie des gens qui disaient qu’il ne savait pas parler, qu’il faisait des fautes à toutes les phrases.

En attendant lui il créait. Moi non.

Ces croyances étaient fortement liées à mon éducation et à la scolarité que j’ai suivie. Toutes ces injonctions à parler correctement, à écrire correctement pour être aimée. J’ai écouté Jul en cachette pendant longtemps. Au fond de moi j’adorai mais la peur d’être rejetée de mon groupe social a fait que je n’étais pas capable à l’époque d’affirmer mes goûts, mes choix ou mes positions. Et je me jugeais terriblement à l’intérieur. Mais il faut comprendre que quand on se construit comme ça, symboliquement remettre en cause les principes même de mon éducation équivalait pour moi à perdre l’amour de mes parents.

Imagine bien ce que c’est compliqué pour une jeune fille de 25 ans qui ne sait plus où elle en est.

Les études que j’ai faites rentraient tellement dans le tableau du personnage de la fille parfaite. Mais mon dieu que je me haïssais de l’intérieur. Plus je faisais ce que je pensais que mes parents souhaitaient pour moi plus je me détestais, plus je me détruisais.

Que les choses soient dites : mes parents ne m’ont jamais dit “tu feras orthophoniste” , mais j’ai juste senti qu’en leur disant que je voulais faire ces études : ils étaient rassurés. Et c’était un de mes plus grands souhaits. Je ne voulais plus les inquiéter par des soirées trop alcoolisées, par des mauvaises notes. Je voulais qu’ils soient fiers.

Seulement en rentrant dans l’école d’orthophoniste, mon âme s’est fendue en deux. Je ne pense pas avoir été aussi malheureuse qu’à cette époque. Alors oui j’écrivais bien, je ne faisais plus de fautes (mais j’angoissais à mort d’en faire). Je collais presque au personnage que mes parents (inconsciemment) avait voulu pour moi.

Alors non, à toi qui lis ces lignes : avoir des bonnes notes à l’école n’est pas le plus important, bien écrire, bien lire ne remplit pas de joie si ce n’est pas ça qui te fait vibrer.

L’expression c’est bien plus profond que de juste bien savoir parler. Il faut la ressentir, la vivre de l’intérieur. C’est quelque chose qui se perd et le commerce et le marketing n’aide pas. S’exprimer ça doit venir de toi, du fin fond de ton corps.

Ensuite le message prendra la forme qu’il doit prendre.

Et si l’expression est difficile, si le langage est difficile, c’est à l’intérieur qu’il faut aller voir. Pas essayer de le modifier depuis l’extérieur.

Sur ce je te conseille une interview de JUL qui t’inspirera peut être. En tout cas je te recommande chaudement de la regarder.

Interview JUL

L’expression ne vient pas du langage qu’on utilise, c’est bien au-delà de ça et il en est la preuve vivante. Merci à lui d’avoir chamboulé mes croyances de bien pensante.

Précédent
Précédent

PARADOXE

Suivant
Suivant

Quand fumer participe à l’expression d’une partie de nous.