Guérir un milieu malade.
Le 23 juillet 2024 a dû être un jour sombre pour Charlotte Dujardin et il devrait l’être pour nous tous. Pour nous pousser à réfléchir, à essayer autre chose.
Alors vous me direz que pour la plupart des chevaux de sport de haut niveau tous les jours sont des jours sombres et je serai d’accord avec vous.
La plupart des chevaux de haut niveau ont perdu leur essence, leur nature et sont privé de leurs besoins fondamentaux.
Et ce que Charlotte Dujardin fait à ce cheval dans cette vidéo n’a pas d’excuse et reste quelque chose de terrible.
De l’abus. Abus de pouvoir. Abus psychique, physique et émotionnel.
Mais depuis hier je suis habitée par un sentiment de tristesse immense. Je ne cesse de me demander : Pourquoi ?
Pourquoi en est elle arrivée là.
Pourquoi en sommes nous arrivés là ? Nous, humain, humanité.
Il y a une dizaine d’année j’étais tombée sous le charme de l’histoire de Charlotte et de Valegro (du moins de la partie que j’avais vue). Une groom qui devient cavalière olympique. Un vrai conte de fée en apparences.
C’est d’ailleurs avec elle comme modèle que j’ai eu envie d’approcher le dressage de haut niveau quand j’étais en Australie.
Alors hier oui j’ai ressenti de la tristesse.
Pas de la surprise, je sais comment fonctionne ce milieu malheureusement.
De la tristesse pour tous ces chevaux passés à tabac ou même tout simplement forcés d’obéir à des humains ultra centrés sur leurs seules ambitions.
De la tristesse dans mon cœur d’adolescente qui a vu un de ses modèles d’autrefois s’effondrer et se faire lyncher par les mêmes que ceux qui l’adulaient 5 minutes avant la polémique.
Ca fait des années que je ne regarde plus les sports équestres, que je ne m’y intéresse plus parce que ce que je vois (pour la majorité) ce sont des chevaux en souffrance et des gens en souffrance.
Alors oui ce qu’on voit dans cette vidéo est terrible et il n’y a pas d’excuses à trouver.
Mais si nous voulons que ça change nous ne devons pas répondre à cette vidéo avec la même violence que celle qui est infligé au cheval. Et c’est extrêmement difficile.
C’est extrêmement difficile parce que dans nos écuries, dans nos cercles proches nous ne sommes déjà pas capables de le faire.
Et moi la première, ça m’ai déjà arrivé de vouloir gifler quelqu’un que je voyais en train de taper sa jument avec une guêtre de froid parce qu’elle n’arrivait pas à lui mettre. En me disant que si c’était mon écurie les choses ne seraient pas gérées comme cela (bonjour frustration).
Mais à quel moment la gifler allait l’aider à mieux comprendre ce qui était en train de se jouer en elle. En la giflant, en l’insultant, en la condamnant j’étais en train de reproduire ce qu’elle faisait subir à sa jument.
Ce que j’aurais fait si ça avait été mon écurie et ce que je fais pour les chevaux et les gens avec lesquels je travaille : je lui aurais mis les mains sur les épaules et lui aurais dit : tu ressens de la frustration, de la colère. Prends une pause, sors du boxe et respire.
On va aller évacuer ta frustration ailleurs que sur ton cheval, il n’y est pour rien et au fond tu le sais c’est d’ailleurs ce qui te met dans cet état, et ensuite je t’accompagnerais là dedans.
Ca serait tellement facile de jeter des pierres au visage de Charlotte Dujardin, tout le monde derrière son écran.
Tellement facile.
Je vous invite plutôt à rediriger votre frustration, votre colère ailleurs (dans votre projet pour changer ce milieu par exemple).
Ne tombez pas dans le piège de la violence (verbale ou physique) car c’est cette même violence que nous cherchons à éradiquer du milieu équestre.
Mais comment le faire si nous ne sommes même pas capables en nous-même de trouver de la compassion pour tenir l’espace à une âme tellement brisée qu’elle en détruit plein d’autres sur son passage.
Si on continue de détruire sans chercher à comprendre pourquoi on en est arrivé là je ne pense pas que les choses changeront.
Ca nous demande à tous aujourd’hui de reconnaître et d’intégrer la Charlotte en nous, celle qui perd le contrôle de ses émotions, de lui tenir l’espace pour que plus jamais de telles horreurs se reproduisent.
Ca demande un apprentissage, une meilleure compréhension des émotions, une meilleure hygiène émotionnelle aussi.
La route est longue mais nous le devons à nos chevaux, eux qui nous font rêver depuis tant d’année.